Dans sa célèbre fable La Mouche du coche, Jean de La Fontaine nous dépeint une scène de crise classique : un attelage lourdement chargé, une pente sablonneuse et une chaleur accablante. Les chevaux peinent, les passagers descendent pour pousser. C’est alors qu’apparaît une mouche, persuadée que le succès de l’opération repose sur son bourdonnement incessant et ses conseils avisés.
Si l’image peut prêter à sourire, elle offre une métaphore saisissante — bien que parfois inconfortable — du rôle de consultant ou de coach en entreprise.
L’agitation n’est pas l’action
Dans nos organisations, le « coche » représente ces projets complexes où les équipes (les chevaux) sont sous tension. Le coach, lui, arrive souvent avec une mission de facilitation. Mais là où le bât blesse, c’est lorsque l’accompagnateur confond valeur ajoutée et omniprésence.
Comme la mouche qui pique le museau des chevaux pour les « motiver », le coach risque parfois de multiplier les interventions (ateliers, feedbacks, frameworks) au moment même où les équipes auraient simplement besoin de calme et de concentration pour produire leur effort.
Le paradoxe du « faire faire »
Le rôle du coach est, par définition, ingrat. S’il aide réellement, c’est en restant invisible. Mais la nature humaine — et les exigences de reporting — poussent souvent à vouloir « marquer le coup ».
- La dérive de la mouche : Se persuader que sans son intervention sur la « dynamique de groupe », le projet n’aurait jamais avancé.
- La réalité du terrain : Ce sont ceux qui poussent la roue qui font le travail, mais c’est parfois celui qui observe de haut qui voit le bon chemin.
Du bourdonnement à l’orientation
Pourtant, la mouche de La Fontaine n’est pas totalement inutile. Elle apporte une énergie, certes agaçante, mais qui rompt l’inertie. En entreprise, le coach est ce tiers externe qui :
- Relance la machine quand le découragement guette.
- Pointe du doigt l’obstacle que ceux qui ont « le nez dans le guidon » ne voient plus.
- Célèbre la victoire, rappelant à chacun l’importance de l’effort fourni.
Le défi pour le cadre ou le coach moderne est de ne pas succomber à la vanité de l’insecte. Le succès d’un accompagnement se mesure à la capacité du coach à s’effacer une fois le sommet atteint, sans chercher à s’attribuer le mérite du trajet.
Conclusion : Savoir quand s’envoler
La morale de cette version « corporate » est simple : un bon accompagnateur est une mouche qui sait quand bourdonner pour encourager, et quand se poser pour laisser les forces vives travailler. Le plus grand talent n’est pas de faire croire que l’on tire le coche, mais de s’assurer que ceux qui le tirent se sentent capables de franchir la colline suivante.
Réflexion pour plus tard : Et vous, dans vos projets actuels, êtes-vous plutôt celui qui pousse la roue, ou celui qui tourne autour en demandant si tout le monde est bien « aligné » ?
